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Mon Reg'Art

Par Achille Gwem, artiste, interprète, metteur en scène et formateur


Un mot sur l'auteur : Diplômé de l’École internationale de théâtre Jean-Pierre Guingané (EITJPG) à Ouagadougou au Burkina Faso, Achille GWEM est toujours sur scène soit comme comédien, soit comme metteur en scène. Avec la compagnie Réflexionsthéâtre,il a initié des rencontres d’échanges et de partages sur la pratique théâtrale avec des professionnels. Il intervient également dans les établissements scolaires et le milieu associatif en tant que formateur, et partage sa passion pour le domaine théâtral en Afrique et en Europe à travers plusieurs projets artistiques.



Mon Reg’Art

Pour parler de mon expérience d’enseignement du théâtre au Burkina Faso, je dois reconnaître que si je ne m’étais pas acharné à faire le métier de comédien, je n’aurais rien à dire sur la forme académique et pédagogique de l’enseignement du théâtre. Il faut dire que le mot « théâtre » en ma langue Bassa signifie « jeu ». Les jeux sont plutôt faits pour les enfants et non pour les adultes, donc ceci n’a jamais été concevable que le théâtre soit considéré comme un enseignement dans le sens de l’insertion de l’Homme dans la vie active. Fort heureusement que les efforts des uns et des autres ont permis qu’avec le temps, la pratique du théâtre, qui était considérée comme traditionnel moment d’initiation ou d’amusement, ait été transportée dans des conservatoires, des écoles de formation professionnelle et dans les centres de formation artistique.

Avant de me pencher sur la pédagogie, j’aimerais souligner que ma pratique dans l’univers théâtral me vient surtout de la scène. Je crois que faire du théâtre c’est travailler avec un corps en activité. L’action reste donc ici pour moi le début de tout engagement. Une fois qu’un acte est posé, on peut écrire, on peut lire, on peut courir, on peut parler, on peut rire, on peut pleurer, on peut jouer, etc.


Comme le disait Philémon Black Ondoua : « on ne devient pas comédien, on répond à un appel…».


La formation professionnelle pour tout étudiant en théâtre est capitale, tant du point de vue de la compréhension historique, théorique ou dans la pratique sur la scène. L’enseignement reste pour moi une autre démarche qui demande une maitrise de la pédagogie, soit l’art de la transmission et l’art de partager sa connaissance.


J’ai débuté ma formation de comédien par le biais des ateliers et des stages organisés à Yaoundé au Cameroun. Ce fut une pratique parmi d’autres où j’exécutais à la lettre toutes les indications que je recevais sans toutefois en comprendre le sens. J’ai joué plus d’une fois, mais je ne pouvais pas parler du théâtre, de mon rôle, ou de la démarche abordée afin d’interpréter. Ce manquement a été le déclencheur de mon engagement.


En 2007, j’ai répondu à l’appel de candidatures lancé par l’École internationale de théâtre Jean-Pierre Guingané (E.I.T.J.P.G) à Ouagadougou au Burkina Faso. Durant trois années de formation, j’ai découvert l’histoire du théâtre depuis la Grèce antique jusqu’à nos jours ainsi que différentes techniques des arts vivants, des approches artistiques et autres formes théâtrales telles que : la commedia dell’arte, le jeu clownesque, la tragédie, le mélodrame, la comédie, le drame, la marionnette, etc. J’ai appris les grands principes théâtraux, mais j’ai surtout pratiqué. Pendant mes années de formation, ma promotion a eu pour professeur principal Monsieur Luca Fusi, ancien élève de la prestigieuse école de théâtre Jacques Lecoq, qui a pour objectif le théâtre de création, le jeu physique et le langage du corps du comédien. Au cours de mon apprentissage du théâtre, j’ai souvent été sur la scène pour explorer, essayer, oser, produire, reproduire… À la fin de ma formation, il me fallait expérimenter tous les enseignements que j’avais reçus. Je suis donc resté sur les planches comme comédien pendant un long moment : la preuve, j’y suis encore. Comme apprenant, j’ai appris l’art de la rencontre, l’art de disparaitre et l’art de transmettre. Avec le temps et l’expérience acquise de la scène, je me suis rapproché, par le biais des stages, de la pratique théâtrale par la pédagogie.

Être enseignant pour moi c’est être capable de partager l’ensemble de ma pratique en apportant la note personnelle de ma sensibilité théâtrale à d’autres. Partager l’expérience que j’ai acquise est toujours un plaisir dans ma pratique pédagogique.

Le mot « enseignant » est pour moi très académique. Je préfère le terme formateur dans l’art de la transmission, puisque faire du théâtre c’est donner, recevoir et partager, par l’enseignement, sa vision du monde.


En tant que formateur, c’est toujours un défi de trouver la bonne manière de transmettre une connaissance, car la pédagogie de l’enseignement ou l’art de transmettre un savoir n’est pas une science exacte. Il est nécessaire pour moi de trouver le lieu de la rencontre avec les étudiants que je reçois, car l’endroit du contact est le départ de l’échange : il peut être soit visuel, soit gestuel ou tout simplement se poser dans le ressenti. S’ensuit le questionnement du pourquoi et du comment partager son savoir. Tout comme l’acteur possède une intention de jeu, nos motivations en tant qu’enseignant ou formateur doivent être claires pour nous afin de bien pouvoir transmettre son sujet à l’auditoire concerné.

À qui dois-je transmettre mon expérience ? Sont-ils des débutants, des amateurs, des aspirants aux écoles de formation professionnelle ou des professionnels ? Peu importe leur niveau, c’est d’abord l’engagement personnel de tous qui est pour moi le facteur dominant.Une fois que nous avons les réponses à toutes ces questions et que les étudiants sont convaincus d’eux- mêmes, qu’ils ont fait le choix de cet apprentissage, le moment de l’enseignement peut commencer.Mon axe de travail en tant que formateur se fait le plus souvent avec le corps de l’étudiant. Quelle est sa stature ? Quelle est sa morphologie ? Où est le moteur central ? Comment allons-nous le découvrir pour ensuite exploiter ses fonctionnalités ? Voici pour moi autant de questions qui reviendront durant tout le temps de la formation, car le corps du comédien est son outil principal dans le travail théâtral.


« On n’entre pas au théâtre au hasard. C’est tout un mode de vie qui suppose une adhésion à une philosophie. En nous engageant au théâtre, nous choisissons une voie particulière de nous manifester au monde ». Je cite Jean-Pierre Guingané.


Durant le stage ou l’atelier que je dirige, je laisse toujours en premier plan l’imaginaire de l’apprenant réagir à la proposition donnée. L’étudiant est alors responsable du ressenti et de l’exploration de la situation abordée. Donc, mon expérience en tant qu’enseignant me permet d’approfondir la pratique du théâtre avec le corps du comédien, tout en laissant la liberté à l’apprenant d’élargir au maximum son champ de vision et de créativité. Préparer cet outil principal de travail à recevoir toutes les démarches possibles sur la connaissance du métier est l’objectif que je poursuis. Je souhaite surtout me conformer à l’approche qui demande de laisser la place à l’autre dans une optique de communion où chacun joue le rôle du donneur et du receveur.


La mise en scène pour moi, puisqu’elle s’inscrit dans le rôle de l’artiste pédagogue, ne s’acquiert pas dans un cours particulier de théâtre : elle résulte de l’expérience acquise dans l’exercice de la pratique théâtrale. C’est à force d’oser, de faire et de proposer que l’on devient metteur en scène. Le metteur en scène a l’âme d’une bonne critique théâtrale, c’est-à-dire qu’il doit avoir un bon sens de l’observation et exercer sans cesse son jugement critique afin de réorchestrer l’ensemble des idées et des propositions qu’il a ou qu’il voit. En me lançant en mise en scène, j’ai appris à prendre du recul, à accepter, à recevoir et à trouver une approche d’analyse cohérente d’un texte, d’une situation de jeu ou d’une mise en place d’une scène.


La mise en scène émane de l’incertitude : rien n’est jamais acquis. Tout est toujours à reconstruire. Une situation mise en scène restera toujours inachevée en quelque sorte parce qu’on a quelque part un soupçon d’idées de renouvellement permanent qui nous pousse à déconstruire ce qu’on a construit.


S’il est important pour moi d’être formateur aujourd’hui c’est parce que je suis garant d’un héritage de l’art de la scène vivante, acquise de ma longue expérience dans la pratique en tant que comédien et metteur en scène. Cela me donne plus de facilité à me fondre dans les nouveaux courants super contemporains de la pratique artistique actuelle, de trouver toujours une place et un mot à dire dans cet ensemble.



La valeur à accorder au métier d’enseignant ou de transmetteur de savoirs est inestimable. On se doit de lui accorder une valeur humaine. Ce n’est que de cette façon-là que l’art de transmettre restera authentique et traversera le temps avec toute sa force et toute son originalité.

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