Par Arianne Charest
Arianne en est à sa troisième année en enseignement de l’art dramatique. C’est l’improvisation qui l’a amenée vers ce programme. Elle joue depuis maintenant 15 ans. Diplômée du baccalauréat en animation et recherche culturelles, elle a aussi travaillé pendant 4 ans dans le milieu de l’événementiel avant de faire un retour aux études.
Alors que bien des adultes n’oseraient jamais s’embarquer dans quelque chose d’aussi risqué et imprévisible, des jeunes du secondaire et même du primaire décident de faire le saut. Faire de l’improvisation. Sans répétition, avec une très courte réflexion de 30 secondes, ils doivent imaginer une histoire, un personnage, une situation, et ils doivent l’interpréter devant un public prêt à réagir et à se laisser transporter. Alors qu’il fut un temps où le monde du théâtre boudait celui de l’improvisation, je crois qu’il est important de reconnaître les vertus et les bienfaits de cet art sur le développement des jeunes. J’arrive aujourd’hui à cette réflexion après avoir navigué plus de 15 ans dans cet univers et côtoyé des centaines de passionnés. Je vous partage donc mon amour pour cet art et pour ceux qui le pratiquent.
Là où tout a commencé
Mon premier contact avec l’improvisation fut d’abord comme spectatrice. J’étais encore au primaire, mais un des mes frères faisait partie d’une équipe à son école secondaire. J’ai donc assisté à quelques matchs, puis j’ai commencé à l’écouter à la télévision. À l’époque, le mondial d’impro était diffusé à Télé-Québec et j’admirais beaucoup de grands joueurs tels que Réal Bossé et Sylvie Moreau. Puis, je suis arrivée en première secondaire avec l’envie d’essayer de jouer moi aussi. J’étais sans doute trop fascinée par cet art pour être consciente de tous les risques que j’allais prendre et du courage que ça demandait de monter sur une scène sans savoir ce qui allait se passer. Il n’y avait pas non plus de cours d’art dramatique à mon école, c’était donc un des seuls contacts possibles avec le jeu théâtral. Alors que j’étais sociable, mais relativement gênée, l’improvisation me permettait d’assumer un côté plus expressif de ma personnalité. Graduellement, j’ai découvert le plaisir de jouer pour un public, d’inventer des histoires et des personnages éphémères et de créer des liens forts avec les membres de mon équipe. J’ai assumé mes choix et qui j’étais, autant sur la scène qu’en dehors, et j’ai recherché d’autres occasions de monter sur une scène, si bien qu’éventuellement, je me suis dirigée vers un programme Arts et Lettres profil théâtre au Cégep. Depuis, je n’ai jamais arrêté de baigner dans le milieu de l’improvisation en continuant de jouer au Cégep, puis à l’université, puis dans les ligues amateurs. Mais il arrive presque toujours un moment dans la vie d’un improvisateur où on a l’impression d’avoir fait le tour, d’avoir plafonné ou d’avoir perdu l’étincelle. Et si on ne joue pas pour le plaisir, on n’a plus de raison de jouer selon moi. Je suis aussi passée par là il y a quelques années. Je continuais à jouer par habitude et pour côtoyer des amis. C’est alors qu’est arrivée une opportunité qui allait radicalement changer mon parcours : j’ai commencé à arbitrer des matchs d’improvisation dans des écoles secondaires à Montréal. Quel plaisir ce fut de voir naître des étincelles dans les yeux de jeunes fébriles et assoiffés d’en apprendre toujours plus sur les rudiments de cet art! De plus, la ligue où j’arbitrais mettait beaucoup l’accent sur l’aspect pédagogique, ce qui correspondait entièrement à ma philosophie : apprendre dans le plaisir. Moi-même j’ai eu un plaisir immense à dire aux jeunes pendant les matchs que j’étais là pour les faire briller et pour leur apprendre à faire de meilleures improvisations. J’ai aussi compris à ce moment que j’étais une bonne pédagogue, et c’est grâce à cette expérience que je suis retournée à l’université pour étudier en enseignement de l’art dramatique.
L’improvisation, c’est pour qui?
Je crois sincèrement que n’importe qui peut faire de l’improvisation et que toutes les raisons sont bonnes pour commencer. Il vous faut simplement un peu de courage pour vous lancer! Après cela, il faut apprivoiser certains principes. Sur une patinoire, le joueur d’improvisation doit jongler avec trois rôles : celui d’auteur puisqu’il écrit l’histoire à mesure qu’elle se déroule, celui de metteur en scène puisqu’il se déplace et gère l’espace, et celui de l’interprète puisqu’il joue également un personnage. C’est en ayant conscience de ces trois rôles que l’on développe une certaine admiration pour ceux qui réussissent à manier cet art avec brio. L’improvisation demande aussi une maîtrise des règles du jeu, comme s’inspirer du thème et le respecter, respecter la catégorie demandée par l’arbitre, laisser l’autre parler et construire l’histoire ensemble, etc. Mais au-delà de l’apprentissage de ces règles, il y a avant tout un apprentissage sur le plan personnel. Les qualités, attitudes et habiletés que l’improvisation permet de développer sont nombreuses : l’écoute de soi et des autres, le respect, la spontanéité, la capacité d’adaptation, le «lâcher-prise», la confiance en soi, l’humilité, l’autodérision, pour ne nommer que celles-là. À travers tous ces apprentissages, mon expérience d’arbitrage dans les écoles secondaires m’a permis de voir se transformer des adolescents en l’espace de quelques mois. Plusieurs d’entre eux reconnaissent que l’improvisation les a transformés eux aussi, ce qui me fait dire que mon expérience personnelle est loin d’être unique et que les bienfaits de l’improvisation sont concrets.
Comment aborder l’improvisation en classe avec les élèves?
Malgré tous les bienfaits que l’on reconnaît à l’improvisation, il subsistera sans doute des craintes chez vos élèves. Tous ne seront évidemment pas conquis par l’idée de devoir inventer une histoire à mesure qu’ils la jouent, ne sachant pas ce qui va se passer ou comment réagir. Ils ne voudront pas tous faire partie de l’équipe d’improvisation de votre école. Comment les convaincre alors de se lancer dans l’inconnu? Dans un contexte d’enseignement, il convient selon moi de présenter l’improvisation comme un outil d’exploration très riche. En enlevant le stress de la performance et en misant sur l’expérience de création ou d’invention, l’élève se sentira plus à l’aise de se laisser emporter par l’histoire. Le climat de confiance que vous créerez dans votre classe contribuera donc beaucoup au succès des exercices que vous proposerez. Que ce soit pendant un match ou pendant un exercice en classe, l’élève doit être à l’écoute, se rendre disponible, prêt à jouer et à vivre la situation avec sensibilité. Les meilleures improvisations ne sont pas celles où les joueurs sont les plus drôles, mais celles où les joueurs sont authentiques. On ne sent pas qu’ils sont en train de réfléchir à ce qu’ils vont dire, tout comme pour interpréter un texte, on souhaite que les acteurs ne réfléchissent pas aux répliques à venir. En classe, on ne recherche pas non plus un produit final, prêt à présenter devant un public. L’art dramatique se passe dans l’action, il faut donc tôt ou tard expérimenter et se laisser emporter! Une fois que les élèves ont compris l’utilité de l’improvisation dans un processus créatif, si certains développent un grand intérêt pour cet art, on peut leur présenter l’improvisation sous la forme de match et les encourager à continuer!
Vous vous dites peut-être que vous aimeriez tenter l’expérience d’improviser, mais que vous avez manqué votre chance? Plusieurs cours et ateliers d’introduction sont disponibles un peu partout dans la grande région de Montréal. Et même si vous ne souhaitez pas jouer devant un public, ces ateliers sont aussi une occasion de faire le plein d’exercices à réinvestir dans vos classes d’art dramatique!
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